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“L’idée d’Happy Meeple est de faire un produit intermédiaire entre le casual gaming et le jeu de société moderne” l’interview de Nicolas, son créateur

Par Christelle

Happy Meeple est un site où l’on peut jouer à des jeux de société en ligne. Mené par la seule main de Nicolas, on a eu la curiosité d’en savoir plus et de lui demander comme il arrivait à gérer tout ça tout seul… et surtout de comprendre comme ça marche, et comment l’aider. Découvrez ses réponses à nos questions… 🙂

Bonjour Nicolas ! Tu es le créateur de Happy Meeple. C’est gentil de bien vouloir répondre à nos questions. Est-ce que tu peux nous présenter un peu ce projet, comment tu en es venu à le créer, nous parler de son histoire ? Est-ce que tu es tout seul à le gérer ?

L’idée d’Happy Meeple est née en 2010. C’était le début du casual gaming avec des jeux comme Farmville à l’époque. Aujourd’hui les titres phares sont Clash of Clans ou Candy Crush par exemple. Tous ces jeux s’adressent au grand public. Ils parviennent à faire jouer des centaines de millions de personnes qui n’avaient pas forcément l’habitude de jouer auparavant.

L’idée d’Happy Meeple est tout simplement de faire un produit intermédiaire entre le casual gaming et le jeu de société moderne, ce que j’ai appelé le casual board gaming.

Je reste aujourd’hui convaincu qu’il y a une place pour ce genre de produit. On connaît la qualité des jeux de société modernes. Je ne vois aucune raison qui empêche des jeux comme les Cités Perdues d’être joués par le plus grand nombre.

Je suis tout seul sur ce projet. C’est énormément de travail, beaucoup trop pour un seul homme. Je travaille quand même avec des illustrateurs et des traducteurs, pour ce que je ne pourrais absolument pas faire moi-même.

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Comment as-tu choisi les jeux que tu développes pour une version en ligne ?

Bien entendu, on ne fera pas jouer le grand public à Puerto Rico ou Agricola directement. Il faut lui proposer des jeux aux règles simples, des jeux qu’il puisse prendre en main rapidement. Néanmoins il ne s’agit pas non plus de le faire jouer à des jeux sans intérêt, purement hasardeux.

Tous nos jeux répondent donc à cet impératif : être simples mais pas simplistes. Nous avons essayé beaucoup de jeux et finalement assez peu répondent à ces critères. D’autant que nous en avons d’autres, comme la (relative) facilité à programmer une intelligence artificielle ou le fait que le jeu puisse se jouer à deux.

Quel lien as-tu avec les éditeurs ? Est-ce que tu leur demandes une autorisation ?

Bien sûr nous avons des accords avec les éditeurs, les auteurs et les illustrateurs. Il ne me serait pas venu à l’esprit d’enfreindre un copyright. Leur travail doit être respecté.

Aujourd’hui, combien as-tu de joueurs réguliers ? Que fais-tu pour les attirer, les fidéliser, animer ta communauté ?

Aujourd’hui, nous avons environ 1800 joueurs par mois. Cela a pas mal augmenté récemment notamment avec un meilleur référencement dans les moteurs de recherche.

Beaucoup de choses ont été faites pour créer un sentiment de communauté. En particulier, les chats sont très présents et les discussions entre joueurs encouragés. Un forum vient d’être créé pour créer du lien également.

Pour fidéliser les joueurs, il y a pas mal de petites choses. D’abord les joueurs collectionnent des meeples et des trophées. Ensuite, il y a le classement. Les statistiques montrent que la grande majorité des joueurs sont intéressés par leur classement. Enfin, il y a un méta-jeu, un monde que les joueurs construisent au fur et à mesure de leur progrès. Ce monde sera prochainement étendu (il est aujourd’hui un peu pauvre) ce qui devrait donner du grain à moudre aux joueurs. L’idée du site est aussi de faire passer les joueurs d’un jeu à l’autre pour leur faire découvrir de nouveaux jeux. Les futurs développement appuieront là-desssus au moyen de quêtes journalières.

Vulgariser les jeux, en faire des tutos visuels, j’imagine que ce n’est pas chose facile. Combien de temps passes-tu à développer un jeu généralement ? Quel est ton processus de développement ?

Je dirais qu’il me faut deux mois pour faire un jeu. Mais c’est sans compter le développement d’outils qui seront réutilisés dans les jeux suivants. Si je me contentais de faire le jeu le plus vite possible, je tiendrais sans doute ce délai de deux mois. Mais pour le dernier jeu (Migrato) par exemple, cela a été beaucoup plus long. J’ai développé des objets de pioche ainsi que des fonctions pour gérer les mouvements de carte. Comme le jeu était également plus complexe que d’autres au niveau des règles, le temps de développement a explosé.

Migrato chez Happy Meeple
Migrato chez Happy Meeple

Pour ce qui est du processus de développement en général, je commence par l’interface (et la logique des règles du jeu). Je ne commence à programmer l’intelligence artificielle (et encore a minima) que lorsque j’ai besoin d’avoir un adversaire qui réponde à mes coups (au hasard au début) pour pouvoir continuer à développer l’interface. Lorsque l’interface est fonctionnelle, je m’investis alors dans l’IA, qui représente largement 40% du temps de développement. Pour celle-ci le point fondamental est de trouver la colonne vertébrale du jeu, la logique principale, celle qui fera que les robots auront un comportement à peu près correct et ce même s’ils ne connaissent pas grand chose d’autres que cette colonne vertébrale.

Mon but est toujours de développer l’IA la plus forte possible en premier. Une fois que c’est réalisé, je fais en sorte de construire 11 autres robots, plus faibles. Je les calibre en les faisant jouer les uns contre les autres. Ca n’est pas parfait, mais il est difficile de faire mieux. Le plus difficile dans cette étape est de faire en sorte que les robots soient affaiblis sans que les joueurs humains ne s’en rendent compte, autrement dit qu’ils ne fassent que des erreurs que les humains pourraient également faire. La stupidité artificielle n’est pas la stupidité humaine. Du moins pas naturellement. Cette étape n’est pas facile mais elle est tout de même nettement plus simple que celle qui consiste à programmer le robot le plus fort.

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Lorsque l’interface et l’IA sont à peu près terminés, j’attaque le tutoriel. Grâce aux outils développés pour les jeux précédents, cela va assez vite. J’ai toute une structure pour gérer les tutoriels et en fait je programme cette structure pour le jeu. Enfin, il faut rédiger les règles du jeu. Quelques jours sont aussi nécessaires pour sélectionner et calibrer les sons et musique.

Le tout part alors en traduction et en tests. Cela implique nécessairement des retours et des changements, parfois douloureux. A ce stade, je n’ai généralement qu’une envie : que le jeu sorte le plus vite possible. Et refaire des choses, que ce soit dans l’IA, dans l’interface, dans les graphismes, ou dans le tutoriel, ça ne m’enchante jamais. L’homme a horreur de refaire 2 fois la même chose. C’est pourtant nécessaire pour obtenir le meilleur résultat possible. On dit qu’il suffit de 3 testeurs pour trouver la majorité des problèmes. Les premiers retours doivent donc être écoutés absolument.

J’ai écrit un article sur la mise à jour du jeu Les Cités Perdues sur boardgamegeek. J’y décris la manière de réaliser un jeu de société en ligne et de traiter les différentes questions qui se posent. J’invite les lecteurs des Dragons Nains à le parcourir. C’est assez complet.

Le jeu Les Cités Perdues vient de subir une refonte. Plus grand, plus beau, plus animé.
Le jeu Les Cités Perdues vient de subir une refonte. Plus grand, plus beau, plus animé.

Comment vois-tu le futur de Happy Meeple ? Quels jeux envisages-tu de développer encore ?

L’idée est de continuer à améliorer la plateforme tout en agrandissant le catalogue de jeux.

Un jeu est d’ores et déjà signé et j’ai bon espoir pour un second. Suspens !

Je dois également mettre en place tout un tas de choses autour du méta-jeu. D’abord les joueurs obtiendront une nouvelle maison pour x meeples. Ensuite, ils pourront customiser ces maisons au moyen de points d’honneur qu’ils gagneront en réalisant des quêtes journalières. Je profiterai du développement des quêtes pour refondre un peu l’interface du site, de sorte que les résultats des amis, les classements du joueur, les nouvelles du site soient clairement visibles en haut de page, à la manière d’un journal personnalisé : le Daily Meeple quoi !

Est-ce que tu monétises le site ou envisages-tu de le faire ? Ou est-ce que tu comptes en garder le côté “initiative de passionné” ?

Le côté passionné se voit clairement. Je fais, en de nombreux endroits, des références au monde du jeu de société moderne, comme par exemple les bâtiments du méta-jeu (le monde) qui sont en forme de meeples. Pour autant, je suis dans une démarche de start-up. Je cherche la clé pour faire venir le plus grand nombre de personnes. Il y a eu pas mal de progrès en ce sens récemment mais l’enquête sur le casual board gaming n’est pas encore terminée.

Il est possible d’acheter des pièces d’or sur le site, ce qui a pour principal utilité d’obtenir de la potion magique. Celle-ci est une forme d’abonnement qui permet de jouer de façon illimitée et d’accéder à des fonctionnalités premium (comme les statistiques complètes).

Le tout est complété par de la publicité. Les joueurs ne voient pas d’inconvénient à échanger du temps de jeu contre de la publicité.

La plateforme offre donc deux possibilités aux joueurs : version payante ou version gratuite financée par la pub. Devinez laquelle à les faveurs des joueurs !

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Quelles sont, selon toi, comme HM, les initiatives françaises notables ?

Je préfère ne citer personne pour ne pas faire d’oublis. En tant qu’observateur du monde du jeu de société moderne à l’international, je peux vous dire que les français sont très actifs et très performants. C’est vrai au niveau de l’édition des jeux bien entendu mais aussi au niveau de la blogosphère et du jeu en ligne. Il y a une quantité de projets de qualité qui naissent en France. Le monde du jeu de société allemand fait pâle figure à côté. Pour moi, il n’y a qu’une explication : les français sont des entrepreneurs. Ce n’est pourtant pas l’image que l’on se donne en général ! Français, positivons !

Un scoop, quelque chose à annoncer, ou un message à faire passer ?

Happy Meeple a pour objectif de faire connaître le jeu de société moderne au plus grand nombre. Pour cela nous avons besoin du soutien de la communauté. Aussi, n’hésitez pas à recommander la plateforme autour de vous ! Nulle part ailleurs l’aspirant joueur ne sera aussi bien pris par la main.

Une autre manière d’aider Happy Meeple est de faire un lien vers notre plateforme (www.happymeeple.com/fr/). Si vous tapez “jeu de société en ligne” sur Google, vous tomberez sur une majorité de sites de piètre qualité qui n’ont rien à voir avec les jeux modernes. Un lien vers Happy Meeple nous aidera à prendre la place qui nous est due dans les moteurs de recherche. Et nous pourrons ainsi convertir les masses. Par avance merci.

Enfin, un grand merci aux Dragons Nains pour cette sympathique interview !

Merci pour tes réponses 🙂

Christelle

Christelle

Co-fondatrice des Dragons Nains, j’aime tous les types de jeu, du moment que je passe un bon moment ! J'ai quand même un faible pour les jeux coop' ou semi coop' et les gros jeux de gestion (kubenbois pour les intimes).

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